Drones : outils du futur pour les géomètres ?

Ils font l’actualité dans de multiples domaines : opérations militaires, prises de vue pour la réalisation de films, loisirs … Ils sont en train de faire une incursion de plus en plus remarquée dans le domaine de la géomatique : ce sont les drones.

Ces appareils sont constitués d’une plate-forme (structure, motorisation, système de guidage, systèmes de contrôle, capteurs, etc.) et d’une charge utile. Cette charge utile, dans le cas d’appareils légers, se limite à un appareil photo. Plus la charge utile est lourde, plus la plate-forme doit être dimensionnée en conséquence, notamment pour garder assez d’agilité dans le pilotage du drone.

Dans cet article, nous nous intéresserons aux drones pour des applications en géomatique.

Inventaire des solutions

Deux types principaux de solutions existent :

  • les quadricoptères : la portance du drone est assurée par les rotors. Ils sont au nombre de quatre, mais certains drones en ont six (hexacoptère) ou plus … On parle de solution à voilure tournante.
  • les ailes volantes : la portance est assurée par les ailes, un ou deux moteurs assurent la propulsion. On parle de solution à voilure fixe.

Les quadricoptères

Le quadricoptère le plus connu du grand public est l’AR Drone (actuellement produit dans sa deuxième version par la société française Parrot, commercialisé 300 €.) Il se pilote avec une application pour smartphone/tablette via une liaison wifi. Cette solution n’est pas vraiment adaptée pour le monde professionnel (faible autonomie, aucune charge de plus de 100 g ne peut être embarquée sans risque.) Cependant, une application en photogrammétrie a déjà été réalisée par Charles Dunk :

Sa solution peut être améliorée avec un boitier supplémentaire qui sera commercialisé par Parrot (GPS et enregistreur) et qui permettra le vol autonome du drone en ayant préalablement défini un plan de vol.

Il existe des solutions professionnelles, beaucoup plus chères mais qui permettent de réaliser des prises de vues sur de plus grandes emprises et ce avec des appareils photos performants. L’entreprise française Delta Drone, basée à Grenoble, commercialise une solution à voilure tournante (Delta-H) mais également fixe (Delta-Y). ERDF (entreprise en charge de la distribution d’électricité en France) a récemment conclu un marché pour surveiller ses lignes et transformateurs avec des quadricoptères. Plus d’informations ici.

Les ailes volantes

En Europe, deux grands fabricants produisent des ailes volantes à destination des professionnels de la géomatique. La première, GateWing, est une société belge récemment rachetée par Trimble. Elle commercialise l’aile volante X100 à 40 k€.

Gatewing X100 official product video (2012) from Fries Porteman on Vimeo.

Son principal concurrent est la société suisse SenseFly. Elle a été récemment rachetée par le groupe français Parrot (qui produit déjà l’AR Drone.) Leur drone vedette est le eBee. C’est une solution qui ne nécessite pas de catapulte contrairement à la solution de GateWing. Le drone est vendu avec un logiciel qui permet de calculer un plan de vol et de piloter l’aile volante à distance via une radio qui porte à 3 km en champ libre. Le drone est également vendu avec une suite logiciel permettant le traitement afin de produire facilement des nuages de points 3D et des orthophotos. Cette solution est commercialisée à moins de 20 k€.

Quelle solution retenir ?

Tout dépendra de l’usage. Il faut comprendre que ce qui est habituellement réalisé par un avion sera réalisé à petite échelle par une aile volante. Et ce qui est réalisé avec un hélicoptère le sera aisément à petite échelle avec un quadricoptère. Un quadricoptère a l’avantage de sa maniabilité et du vol stationnaire mais il utilise une grande partie de son autonomie pour rester en sustentation. Il a aussi l’inconvénient d’être plus lourd et plus fragile qu’une aile volante.

Par exemple, on choisira un quadricoptère pour faire de la surveillance d’ouvrages d’art alors qu’une aile volante sera plus adaptée à la production d’orthophotos ou de restitution photogrammétrique sur de grandes emprises.

Importance du post-traitement

Une fois le vol terminé, il reste à exploiter les photos. Le but est d’obtenir un nuage de points 3D, un modèle numérique de terrain, ou des orthophotos. Une solution gratuite, mais très limitée sera d’utiliser le logiciel 123D Catch d’Autodesk. C’est ce qu’à utilisé Charles Dunk dans l’exemple de la première video de cette page.

Le drone eBee de SenseFly est fourni avec une solution de Pix4D, le drone X100 de GateWing avec une solution développée par Trimble.

Autrement, il faudra se rabattre sur les solutions de photogrammétrie classiques (Agisoft PhotoScan, PhotoModeler, etc.)

La législation française

Il n’est pas possible de faire voler un drone sans ignorer la loi. La législation à ce sujet est en constante évolution. Pour simplifier, la loi a prévu plusieurs scenari de vol (4 principaux , fonction de la hauteur de vol, du peuplement de la zone, du poids du drone, de la visibilité, etc … Certaines sont contraignantes, et hélas, ce sont celles qui vont s’appliquer la plupart du temps pour des travaux photogrammétriques.

Conclusion

Dans le futur, pourquoi ne pas imaginer un drone emportant pour charge utile un scanner laser, une centrale inertielle, ou un récepteur GNSS ? Un premier pas a déjà été franchi, nous en parlions dans cet article où un quadricoptère réalise un levé d’intérieur en temps réél avec un scanner laser. Avec la miniaturisation des composants (prenons l’évolution de la taille du premier récepteur GPS avec un R10 par exemple), les perspectives à l’échéance de quelques années sont très encourageantes !

Une semaine avec le récepteur GNSS Trimble R10

Fin 2012, Trimble a sorti un nouveau récepteur GNSS se voulant être « révolutionnaire ». J’ai pu tester ce récepteur Trimble R10 pendant une semaine dans différentes conditions (terrain dégagé, beau temps, pluie, masques, accès difficile aux corrections temps réel, etc.)

TrimbleR10_4

Un récepteur GNSS compact et performant

On ne parle plus de récepteur GPS mais bien GNSS (Global Navigation Satellite System.) Ce terme générique désigne non seulement le GPS américain mais également tous les autres systèmes (le système russe Glonass, le système européen Galileo, le système chinois Compass/Beidou, etc.) ll faut insister sur le fait que ce nouveau récepteur est compatible avec tous les systèmes mondiaux et ceux à venir, y compris les futures fréquences du GPS (fréquence L5).

R10

Ce qui frappe à la première vue de ce récepteur, c’est sa taille. Son diamètre est réduit de moitié par rapport aux récepteurs existant sur le marché. (11 cm de diamètre contre plus de 20 pour ses concurrents.) On se demande donc par quel tour de force Trimble a réduit la taille se des antennes tout en augmentant la sensibilité de ses récepteurs …

Il embarque :

  • deux puces Maxwell de 220 canaux (ce qui porte les capacités de réception à 440 canaux) permettant de recevoir les signaux de plusieurs constellations (Trimble a nommé cette technologie « Trimble 360 »)
  • un nouveau moteur de calcul (nommé HD-GNSS)
  • une radio 2 W et un modem (en option),
  • un modem 3,5 G (HSDPA), Edge, GPRS, etc.
  • une mémoire de 4 Go pour enregistrer les données brutes (ce qui correspond quand même à 3 années d’enregistrement pour 14 satellites sur une fréquence de 15 secondes.)
  • des liaisons bluetooth et wifi (avec une interface web permettant la configuration en mode base depuis un smartphone par exemple.)
  • une bulle électronique

Le récepteur R10 est immersible dans 1 m d’eau pendant 30 minutes (norme IP57) et résiste à une chute de 2 m. À éviter tout de même !

Le récepteur est doté du système « quick-release ». Un embout de 5 cm se visse sur la canne et le récepteur vient se clipser sur l’embout.

Utilisation

(Le test a été réalisé avec un carnet de terrain TSC3 et le logiciel Trimble Access.)

L’allumage du récepteur R10 se fait par une pression sur le seul bouton présent. L’acquisition des satellites se fait en moins d’une minute. Le test a été réalisé en mode NRTK (à l’appui des corrections du réseau Teria via une liaison GPRS SFR en mode PRS30.) Le modem utilisé est celui du carnet et non celui du récepteur.

Capture d'écran du carnetLa première chose qui surprend, c’est l’absence d’indication sur la résolution des ambigüités (flottant/fixe.) Seules des indications sur la précision sont affichées et un indicateur (vert ou rouge) sur la conformité face aux critères de qualité fixés par l’utilisateur. L’indicateur RMS (erreur moyenne quadratique) a également disparu.

Il n’y a donc plus de saut de précision (on descend progressivement vers la meilleure précision, et non plus par saut comme avec un système fixe/flottant.) Il subsiste cependant un message sur l’initialisation RTK, mais qui ne semble pas correspondre à la résolution d’ambigüités.
L’avantage de ce système, c’est de prendre des points avec une précision dégradée (10 cm en planimétrie par exemple) dans des endroits masqués, là où un autre récepteur resterait en solution flottante avec une précision de 50 cm et un RMS élevé. L’inconvénient, c’est l’aspect « boîte noire » du récepteur R10 où il est impossible de connaître la méthode de calcul, même si Trimble se fend d’un livre blanc sur la technologie HD-GNSS. (Trimble_HD-GNSS White Paper_LR)

Dans les faits, j’ai pu lever des points dans une forêt dense mais sans feuilles avec une précision de 5 cm en planimétrie et 8 cm en altimétrie. À ce même endroit, un récepteur R6 ne parvenait pas obtenir de solution fixe.

Tôt le matin (perturbations de la haute atmosphère réduites), sans masques et avec une bonne couverture GPRS (latence des corrections PRS30 de Teria inférieures à 1,5 s) j’ai obtenu une précision de 17 mm en planimétrie et de 21 mm en altimétrie. Ces précisions annoncées ont été largement validées sur un point du réseau de base français de l’IGN, même si des masques étaient présents dans ce dernier cas.)

Dans des conditions plus dégradées (12h-14h) et avec la présence de pluie, la précision est légèrement dégradée et monte à 23 mm en planimétrie et 27 mm en altimétrie.

Pour preuve de la sensibilité des deux puces Maxwell, j’ai capté 8 satellites en ayant posé le récepteur sur la plage arrière de la voiture, coffre fermé. Encore plus fort : le récepteur sous tension dans la valise pélican fermée, posée sur le siège passager de la voiture, suffisamment de satellites sont captés pour me donner une position à 2 m près.

Pour réduire le problème du multi-trajet, Trimble a intégré un bobinage actif autour des puces de réception. Ce n’est probablement pas aussi efficace qu’une antenne active choke-ring mais le compromis taille performances semble bon, pour preuve l’utilisation réussie en milieu urbain sujet aux multi-trajets.

eBulle, la bulle électronique

Autre nouveauté dans ce Trimble R10, la présence d’une bulle électronique (cf capture d’écran ci-dessus). Après avoir étalonné cette bulle, vous pouvez prendre automatiquement un point dès que le récepteur est bullé. Il également possible d’empêcher l’enregistrement d’un point si le récepteur détecte une inclinaison de la canne trop importante. L’erreur liée à l’inclinaison est également enregistrée dans les attributs du points. On regrette cependant qu’il ne soit pas possible d’annuler cette erreur d’inclinaison sur les coordonnées du point (ce qui nécessiterait une boussole dans le récepteur pour connaître l’orientation de la correction à appliquer.)

Dans tous les cas, un message d’erreur apparait si le récepteur n’est pas bullé. Il est quand même possible d’enregistrer le point. Ça peut devenir très pénible si la eBulle du récepteur n’a pas été soigneusement étalonnée.

A propos de la technologie xFill

xFill est le fruit du rachat d’Omnistar par Trimble. À l’heure de la promotion de la 4G à tout va, certains territoires ont une encore une couverture GPRS incomplète. Sur ces territoires, il est difficile de recevoir les corrections temps réél, que ce soit par GPRS ou par radio. (Terrains vallonnés la plupart du temps.) Pour pallier à ce problème, Trimble a mis au point la technologie xFill. Cette technologie repose sur la réception des corrections SBAS du système Omnistar. Omnistar est toujours un service payant mais xFill est un service gratuit. Ces corrections sont envoyées depuis un satellite géostationnaire Omnistar, renommé RTX par Trimble. Les corrections sont calculées à partir d’un réseau de stations au sol, encore peu dense mais qui sera étoffé par Trimble.
Les orbites des satellites géostationnaires étant sensiblement coplanaires au plan équatorial de la Terre, il faut que l’horizon au sud soit dégagé. Typiquement, au centre de la France, le satellite RTX a une élévation de 33°. L’utilisation du système xFill sera très difficile en milieu urbain (mais rares sont les villes sans couverture GPRS) et impossible si vous vous trouvez au nord d’un masque de plus de 30° d’élévation.

Carte de couverture des satellites RTX
Carte de couverture des satellites RTX

Dans la pratique, il faut disposer des corrections d’une source RTK et obtenir une bonne précision. Dès qu’une coupure survient (ou que la latence des corrections devient trop élevée) le système xFill prend le relais s’il est disponible. Une bonne précision est conservée pendant quelques minutes, avec une dégradation théorique de 10 mm/min en plani, 20 mm/min en alti. Dans la pratique, la dégradation que j’ai observé était de 30 mm/min en plani (il y avait quelques masques, les performances sont probablement meilleures en terrain dégagé.) Ce système présente donc surtout l’avantage d’absorber les problèmes micro-coupure plutôt que de palier à une zone blanche.

J’ai rapidement pu expérimenter le mode base du récepteur R10 avec un second R10 en mode mobile, les corrections étant envoyées via GPRS en CMRx (format Trimble, le RTCM est également possible). La configuration de la base et du mobile sont relativement simples et le système fonctionne parfaitement, avec une latence qui reste correcte.

Trimble a également publié un document sur xFill, consultable à cette adresse. À lire d’un oeil critique …

Conclusion

Ma conclusion sur l’utilisation du R10 pendant une semaine est un gain de productivité dans les zones masquées avec la possibilité de prendre des points avec une précision dégradée. Dans des conditions normales, la précision est légèrement meilleure qu’avec un R6. L’investissement sur un tel matériel se justifie donc par la volonté de pouvoir lever des points dans des conditions difficiles, avec des masques tout en maitrisant la précision. La venue prochaine de nouveaux satellites GNSS permettra à ce récepteur de devenir encore plus performant, notamment dans les milieux masqués (corridors urbains, forêts …)

Soyons francs, ce récepteur est effectivement révolutionnaire. Aucun autre fabricant n’a porté autant d’innovations dans un récepteur. Mais fort de sa position sans concurrence sur ce produit, Trimble fait payer cette « révolution ».

Critiques

Difficile d’émettre des critiques sur ce récepteur R10 tant il est performant et équipé de fonctionnalités innovantes (eBulle, xFill …) On pourrait bien sur commenter le prix élevé de cet appareil (compter 25 k€ TTC pour une solution complète avec option radio, carnet TSC3, chargeur, canne, etc.) mais il n’existe aucun équivalent concurrent sur le marché.

Trimble a utilisé un nouveau type de batteries pour ce récepteur. Impossible donc de les partager avec un autre récepteur R6 ou R8. Cependant, des cales en plastique sont fournies et permettent de recharger les batteries dans les racks 6 batteries (contact sur les plots correspondant aux grandes batteries des stations totales S6, S3, etc.) Néanmoins, ces batteries, en théorie plus performantes que les précédentes sont nécessaires au vu de la consommation du récepteur. En utilisation continue (radio, wifi et modem cellulaire éteints) l’autonomie est de 5 h. Autre avantage un indicateur de charge est présent sur la batterie.

Le nouveau moteur de calcul HD-GNSS devient encore plus « boîte noire ». Une vague explication sur la méthode de calcul est donnée par Trimble mais on ne sait pas vraiment ce qu’il se passe. Ça peut être un inconvénient pour ceux qui veulent une visibilité totale sur le calcul.

Le système xFill me parait encore balbutiant, presque décevant. Il nécessite des conditions particulières (être déjà initialisé) et avoir un horizon sud dégagé. Les performances annoncées sont rarement atteintes. Il devrait évoluer avec la progression du maillage des stations de base Trimble.
D’ores et déjà, la technologie Trimble CenterPoint RTX permettrait d’obtenir une précision de 3,8 cm, en 1 minute d’initialisation (uniquement sur le centre des Etats Unis), en 30 minutes sur les zones couvertes en RTX. Cette technologie repose sur la méthode de calcul PPP (precise point positioning) qui était jusqu’à présent utilisée exclusivement dans le milieu de la recherche, en géodésie notamment.

Liens :

Fiche technique du R10
Manuel de démarrage rapide
Livre blanc sur xFill