Trimble a annoncé ce 23 avril de nouveaux produits :
– 3 nouvelles stations totales robotisées : la S5, la S7 et la S9 (en deux versions). La S5 est adaptée aux travaux topographiques généraux. La S7 est une station complète avec un module de scan 3D et de photogrammétrie (système Trimble VISION).
Enfin, la station S9 est destinée aux travaux de métrologie et d’auscultation. Elle offre des précisions angulaires de 0,5″ à 1″ en fonction de la version.
Les nouvelles stations Trimble
– un nouveau récepteur GNSS : le R8s qui semble offrir un compromis entre le Trimble R10 et la version précédente du R8.
Le BYOD (bring your own device – « apportez votre propre appareil » en français) est le fait d’utiliser ses terminaux personnels (smartphone, tablette, ordinateur, etc.) pour ses activités professionnelles. Par extension, il s’agit d’utiliser des appareils grand public pour un usage professionnel.
Le BYOD et les géomètres
Ce phénomène est réel et existe chez les géomètres (géomaticiens SIG, géomètres-experts, topographes, … et leurs collaborateurs).
Le BYOD est surtout une tendance qui a cours sur le terrain. En effet, les moyens mis a disposition par les entreprises sont très souvent des terminaux durcis, très résistants, mais très onéreux et dans la majorité des cas technologiquement déjà dépassés dès leur commercialisation. En raison de leur coût, ces terminaux ne sont remplacés que tous les 5 à 8 ans au mieux, ou lorsqu’ils ne sont plus réparables après un panne. Le parc de terminaux dans les cabinets de géomètres est très rapidement obsolète pour des applications autres que le pur enregistrement de données/pilotage d’un appareil (station, GNSS, etc.)
Comparons aujourd’hui les moyens typiquement mis à disposition dans un cabinet de géomètres et les moyens personnels :
Carnet de terrain Trimble TSC3
Carnet de terrain Mobile Mapper CX
Carnet de terrain Leica Viva CS15
Les carnets de terrain fonctionnent très souvent sous des versions anciennes de Windows Mobile (version 6 au mieux.) Rares sont les carnets qui, comme le TSC3 de Trimble, offrent une connexion Wifi ou un modem 3,5G pour naviguer sur internet. Mais dans tous les cas, oubliez les applications modernes, la fluidité de navigation et la compatibilité avec les derniers standards du web. Certes, les choses ne sont pas aussi tranchées : il existe aujourd’hui du matériel très performant et durci, comme la tablette Yuma 2 de Trimble qui offre des fonctionnalités modernes (processeur de dernière génération, mémoire digne de ce nom en SSD, bluetooth 4.0…) et une compatibilité accrue (système d’exploitation Windows classique, comme Windows 7) mais à un prix exorbitant comparativement à une tablette grand public aux performances équivalentes.
En revanche, avec votre smartphone ou votre tablette, vous bénéficiez déjà d’une liaison 3G/4G, du Wifi, d’un récepteur GPS, d’un système d’exploitation récent qui offre une compatibilité avec des applications récentes et réellement utiles sur le terrain : GPS et cartographie pour se rendre sur un chantier avec Google Maps ou Waze par exemple, l’accès à des données pertinentes comme le Géoportail de l’IGN ou l’application Géofoncier, la possibilité d’ouvrir et d’éditer un plan avec AutoCAD 360 mais aussi des choses toutes simples, comme prendre des photos de qualité, consulter ses mails et ouvrir des pièces jointes (documents PDF, fichier de points, etc.) Le tout pour quelques centaines d’euros contre plusieurs milliers pour un carnet.
Smartphones de 2014
Vous allez me dire que votre smartphone n’est pas étanche, ou pas aussi résistant qu’un carnet de terrain durci. Et bien regardez chez certains constructeurs : Sony produit des smartphones étanches. Ou de manière plus exotique, le japonais Kyocera produit désormais le Torque, un smartphone 4G étanche et durci. Cat vient d’annoncer le S50. Du côté des tablettes durcies, l’hégémonie de quelques constructeurs (Panasonic, Mio, etc.) qui imposaient de prix prohibitifs, est en train de prendre fin. Regardez par exemple du côté de Samsung, et sa Galaxy Tab Active sous Android.
Remplacer le carnet de terrain par un smartphone
Vous allez aussi me dire que votre smartphone/tablette ne peut pas faire ce que fait le carnet de terrain, à savoir faire un levé topographique à la station totale ou avec un récepteur GNSS. Et bien si !
Avec une liaison bluetooth (voire bluetooth longue portée pour une station robotisée) vous pouvez utiliser des applications de levé topo. Par exemple, Systranova Software propose des applications Android compatibles avec Topcon, Leica ou Nikon. Je n’ai pas testé cette application, les possibilités semblent encore limitées et certains modèles d’appareils sont incompatibles. Mais il ne tient qu’aux constructeurs de proposer des applications iOS, Android ou Windows Phone pour utiliser leurs appareils (stations, GNSS) sur des smartphones ou des tablettes. C’est techniquement possible et facile à développer. Peut-être ne le font-ils pas pour continuer à vendre des carnets aux prix prohibitifs … (À noter qu’il existe déjà des solutions métier sous Windows, compatibles avec les grands constructeurs de matériel topo, comme Géopad de Géopixel, ou Land2Map d’Atlog qui fonctionnent sur des tablettes Windows et permettent de s’affranchir du traditionnel carnet de terrain.)
Certains appareils s’ouvrent déjà au BYOD : interfaces web via Wifi direct dans les scanners laser, interface de paramétrage dans le Trimble R10, etc. D’autres y sont pleinement destinés, comme le récepteur Trimble R1 (sub-métrique, réservé aux applications SIG).
C’est justement dans le domaine des SIG que le BYOD est intéressant. Il existe beaucoup d’applications de collecte de données sous iOS ou Android, il suffit de faire une recherche avec le mot clé « GIS ». Je recommande d’ailleurs l’application TerraFlex sous Android qui permet de faire facilement d’une collecte de données SIG (période d’essai gratuite.)
Conclusion
En conclusion, je pense que la convergence entre le matériel professionnel (carnets durcis) et le matériel grand public (smartphones, tablettes) est amorcée. On voit apparaitre des produits durcis et étanches avec des performances intéressantes à des prix grand public. Les constructeurs semblent s’y intéresser et je pense qu’il est dans leur intérêt de se tourner vers cette tendance.
Fin 2012, Trimble a sorti un nouveau récepteur GNSS se voulant être « révolutionnaire ». J’ai pu tester ce récepteur Trimble R10 pendant une semaine dans différentes conditions (terrain dégagé, beau temps, pluie, masques, accès difficile aux corrections temps réel, etc.)
Un récepteur GNSS compact et performant
On ne parle plus de récepteur GPS mais bien GNSS (Global Navigation Satellite System.) Ce terme générique désigne non seulement le GPS américain mais également tous les autres systèmes (le système russe Glonass, le système européen Galileo, le système chinois Compass/Beidou, etc.) ll faut insister sur le fait que ce nouveau récepteur est compatible avec tous les systèmes mondiaux et ceux à venir, y compris les futures fréquences du GPS (fréquence L5).
Ce qui frappe à la première vue de ce récepteur, c’est sa taille. Son diamètre est réduit de moitié par rapport aux récepteurs existant sur le marché. (11 cm de diamètre contre plus de 20 pour ses concurrents.) On se demande donc par quel tour de force Trimble a réduit la taille se des antennes tout en augmentant la sensibilité de ses récepteurs …
Il embarque :
deux puces Maxwell de 220 canaux (ce qui porte les capacités de réception à 440 canaux) permettant de recevoir les signaux de plusieurs constellations (Trimble a nommé cette technologie « Trimble 360 »)
un nouveau moteur de calcul (nommé HD-GNSS)
une radio 2 W et un modem (en option),
un modem 3,5 G (HSDPA), Edge, GPRS, etc.
une mémoire de 4 Go pour enregistrer les données brutes (ce qui correspond quand même à 3 années d’enregistrement pour 14 satellites sur une fréquence de 15 secondes.)
des liaisons bluetooth et wifi (avec une interface web permettant la configuration en mode base depuis un smartphone par exemple.)
une bulle électronique
Le récepteur R10 est immersible dans 1 m d’eau pendant 30 minutes (norme IP57) et résiste à une chute de 2 m. À éviter tout de même !
Le récepteur est doté du système « quick-release ». Un embout de 5 cm se visse sur la canne et le récepteur vient se clipser sur l’embout.
Utilisation
(Le test a été réalisé avec un carnet de terrain TSC3 et le logiciel Trimble Access.)
L’allumage du récepteur R10 se fait par une pression sur le seul bouton présent. L’acquisition des satellites se fait en moins d’une minute. Le test a été réalisé en mode NRTK (à l’appui des corrections du réseau Teria via une liaison GPRS SFR en mode PRS30.) Le modem utilisé est celui du carnet et non celui du récepteur.
La première chose qui surprend, c’est l’absence d’indication sur la résolution des ambigüités (flottant/fixe.) Seules des indications sur la précision sont affichées et un indicateur (vert ou rouge) sur la conformité face aux critères de qualité fixés par l’utilisateur. L’indicateur RMS (erreur moyenne quadratique) a également disparu.
Il n’y a donc plus de saut de précision (on descend progressivement vers la meilleure précision, et non plus par saut comme avec un système fixe/flottant.) Il subsiste cependant un message sur l’initialisation RTK, mais qui ne semble pas correspondre à la résolution d’ambigüités.
L’avantage de ce système, c’est de prendre des points avec une précision dégradée (10 cm en planimétrie par exemple) dans des endroits masqués, là où un autre récepteur resterait en solution flottante avec une précision de 50 cm et un RMS élevé. L’inconvénient, c’est l’aspect « boîte noire » du récepteur R10 où il est impossible de connaître la méthode de calcul, même si Trimble se fend d’un livre blanc sur la technologie HD-GNSS. (Trimble_HD-GNSS White Paper_LR)
Dans les faits, j’ai pu lever des points dans une forêt dense mais sans feuilles avec une précision de 5 cm en planimétrie et 8 cm en altimétrie. À ce même endroit, un récepteur R6 ne parvenait pas obtenir de solution fixe.
Tôt le matin (perturbations de la haute atmosphère réduites), sans masques et avec une bonne couverture GPRS (latence des corrections PRS30 de Teria inférieures à 1,5 s) j’ai obtenu une précision de 17 mm en planimétrie et de 21 mm en altimétrie. Ces précisions annoncées ont été largement validées sur un point du réseau de base français de l’IGN, même si des masques étaient présents dans ce dernier cas.)
Dans des conditions plus dégradées (12h-14h) et avec la présence de pluie, la précision est légèrement dégradée et monte à 23 mm en planimétrie et 27 mm en altimétrie.
Pour preuve de la sensibilité des deux puces Maxwell, j’ai capté 8 satellites en ayant posé le récepteur sur la plage arrière de la voiture, coffre fermé. Encore plus fort : le récepteur sous tension dans la valise pélican fermée, posée sur le siège passager de la voiture, suffisamment de satellites sont captés pour me donner une position à 2 m près.
Pour réduire le problème du multi-trajet, Trimble a intégré un bobinage actif autour des puces de réception. Ce n’est probablement pas aussi efficace qu’une antenne active choke-ring mais le compromis taille performances semble bon, pour preuve l’utilisation réussie en milieu urbain sujet aux multi-trajets.
eBulle, la bulle électronique
Autre nouveauté dans ce Trimble R10, la présence d’une bulle électronique (cf capture d’écran ci-dessus). Après avoir étalonné cette bulle, vous pouvez prendre automatiquement un point dès que le récepteur est bullé. Il également possible d’empêcher l’enregistrement d’un point si le récepteur détecte une inclinaison de la canne trop importante. L’erreur liée à l’inclinaison est également enregistrée dans les attributs du points. On regrette cependant qu’il ne soit pas possible d’annuler cette erreur d’inclinaison sur les coordonnées du point (ce qui nécessiterait une boussole dans le récepteur pour connaître l’orientation de la correction à appliquer.)
Dans tous les cas, un message d’erreur apparait si le récepteur n’est pas bullé. Il est quand même possible d’enregistrer le point. Ça peut devenir très pénible si la eBulle du récepteur n’a pas été soigneusement étalonnée.
A propos de la technologie xFill
xFill est le fruit du rachat d’Omnistar par Trimble. À l’heure de la promotion de la 4G à tout va, certains territoires ont une encore une couverture GPRS incomplète. Sur ces territoires, il est difficile de recevoir les corrections temps réél, que ce soit par GPRS ou par radio. (Terrains vallonnés la plupart du temps.) Pour pallier à ce problème, Trimble a mis au point la technologie xFill. Cette technologie repose sur la réception des corrections SBAS du système Omnistar. Omnistar est toujours un service payant mais xFill est un service gratuit. Ces corrections sont envoyées depuis un satellite géostationnaire Omnistar, renommé RTX par Trimble. Les corrections sont calculées à partir d’un réseau de stations au sol, encore peu dense mais qui sera étoffé par Trimble.
Les orbites des satellites géostationnaires étant sensiblement coplanaires au plan équatorial de la Terre, il faut que l’horizon au sud soit dégagé. Typiquement, au centre de la France, le satellite RTX a une élévation de 33°. L’utilisation du système xFill sera très difficile en milieu urbain (mais rares sont les villes sans couverture GPRS) et impossible si vous vous trouvez au nord d’un masque de plus de 30° d’élévation.
Carte de couverture des satellites RTX
Dans la pratique, il faut disposer des corrections d’une source RTK et obtenir une bonne précision. Dès qu’une coupure survient (ou que la latence des corrections devient trop élevée) le système xFill prend le relais s’il est disponible. Une bonne précision est conservée pendant quelques minutes, avec une dégradation théorique de 10 mm/min en plani, 20 mm/min en alti. Dans la pratique, la dégradation que j’ai observé était de 30 mm/min en plani (il y avait quelques masques, les performances sont probablement meilleures en terrain dégagé.) Ce système présente donc surtout l’avantage d’absorber les problèmes micro-coupure plutôt que de palier à une zone blanche.
J’ai rapidement pu expérimenter le mode base du récepteur R10 avec un second R10 en mode mobile, les corrections étant envoyées via GPRS en CMRx (format Trimble, le RTCM est également possible). La configuration de la base et du mobile sont relativement simples et le système fonctionne parfaitement, avec une latence qui reste correcte.
Trimble a également publié un document sur xFill, consultable à cette adresse. À lire d’un oeil critique …
Conclusion
Ma conclusion sur l’utilisation du R10 pendant une semaine est un gain de productivité dans les zones masquées avec la possibilité de prendre des points avec une précision dégradée. Dans des conditions normales, la précision est légèrement meilleure qu’avec un R6. L’investissement sur un tel matériel se justifie donc par la volonté de pouvoir lever des points dans des conditions difficiles, avec des masques tout en maitrisant la précision. La venue prochaine de nouveaux satellites GNSS permettra à ce récepteur de devenir encore plus performant, notamment dans les milieux masqués (corridors urbains, forêts …)
Soyons francs, ce récepteur est effectivement révolutionnaire. Aucun autre fabricant n’a porté autant d’innovations dans un récepteur. Mais fort de sa position sans concurrence sur ce produit, Trimble fait payer cette « révolution ».
Critiques
Difficile d’émettre des critiques sur ce récepteur R10 tant il est performant et équipé de fonctionnalités innovantes (eBulle, xFill …) On pourrait bien sur commenter le prix élevé de cet appareil (compter 25 k€ TTC pour une solution complète avec option radio, carnet TSC3, chargeur, canne, etc.) mais il n’existe aucun équivalent concurrent sur le marché.
Trimble a utilisé un nouveau type de batteries pour ce récepteur. Impossible donc de les partager avec un autre récepteur R6 ou R8. Cependant, des cales en plastique sont fournies et permettent de recharger les batteries dans les racks 6 batteries (contact sur les plots correspondant aux grandes batteries des stations totales S6, S3, etc.) Néanmoins, ces batteries, en théorie plus performantes que les précédentes sont nécessaires au vu de la consommation du récepteur. En utilisation continue (radio, wifi et modem cellulaire éteints) l’autonomie est de 5 h. Autre avantage un indicateur de charge est présent sur la batterie.
Le nouveau moteur de calcul HD-GNSS devient encore plus « boîte noire ». Une vague explication sur la méthode de calcul est donnée par Trimble mais on ne sait pas vraiment ce qu’il se passe. Ça peut être un inconvénient pour ceux qui veulent une visibilité totale sur le calcul.
Le système xFill me parait encore balbutiant, presque décevant. Il nécessite des conditions particulières (être déjà initialisé) et avoir un horizon sud dégagé. Les performances annoncées sont rarement atteintes. Il devrait évoluer avec la progression du maillage des stations de base Trimble.
D’ores et déjà, la technologie Trimble CenterPoint RTX permettrait d’obtenir une précision de 3,8 cm, en 1 minute d’initialisation (uniquement sur le centre des Etats Unis), en 30 minutes sur les zones couvertes en RTX. Cette technologie repose sur la méthode de calcul PPP (precise point positioning) qui était jusqu’à présent utilisée exclusivement dans le milieu de la recherche, en géodésie notamment.